Manuel Bienvenu

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Aymeric Leroy, 2015 :

"Avec Amanuma, Manuel Bienvenu propose son album le plus ambitieux mais aussi le plus immédiatement séduisant. Accessible mais pas formatée, profonde et personnelle, dénuée de pathos, avenante mais trop intègre pour quémander l’attention, sa musique ne laissera insensible aucun mélomane digne de ce nom, et réservera son supplément d’âme à ceux qui en pousseront l’exploration au-delà de ses charmes les plus évidents.

Composé principalement au piano, Amanuma s’en ressent par la richesse de ses progressions harmoniques. Jamais gratuite ou ostentatoire, cette propension à enfreindre les règles s’exprime aussi dans des trames rythmiques et quelques structures à tiroirs « hors format ». Ces penchants iconoclastes n’ont rien de systématique et d’autres morceaux s’abstiennent de toute digression, épousant sans réserve les canons éprouvés d’une efficacité pop qui ne rime pas avec facilité.

Multi-instrumentiste, Manuel Bienvenu n’a longtemps délégué à d’autres que ce qu’il ne pouvait pas jouer lui même. Sans doute influencé par sa pratique croissante de la scène, il s’entoure désormais d’une équipe de musiciens, pour la plupart collaborateurs de longue date, qui présente la physionomie d’un véritable groupe. Ceci ne l’empêche pas d’assurer lui-même certaines parties essentielles (y compris quelques interventions solistes finement ciselées), grâce auxquelles il imprime sa patte personnelle à l’ensemble tout en bénéficiant de l’apport créatif d’experts accomplis.

Amanuma n’est que la troisième manifestation discographique de Manuel Bienvenu en une quinzaine d’années d’activité. A en juger par le chemin parcouru d’album en album, cette parcimonie est à mettre sur le compte de son exigence de ne prendre la parole que lorsqu’il estime avoir quelque chose d’important et de neuf à nous faire entendre. Une seule écoute d’Amanuma suffit à convaincre que ces conditions sont réunies."

Richard Robert, 2010 :

"Il suffit d’écouter les deux albums solo de Manuel Bienvenu – Elephant Home (2005) et Bring me the Head of Manuel Bienvenu (2007) – pour que s’impose le portrait d’un homme refusant l’embrigadement. Voilà un cas notable de songwriter sans école, qui a fait le mur des genres. Comme Robert Wyatt, Carla Bley, Mark Hollis, Brian Eno ou Arto Lindsay, autres évadés notoires, Manuel Bienvenu parvient à se défaire sans effort apparent des lourdes étiquettes dont on a coutume d’entraver les créateurs de son acabit.

Détachée de toute connotation, épousant des formes aussi rigoureuses qu’évasives, chacune de ses chansons est un modèle unique. Cette approche est née par le truchement d’une oreille insensible aux diktats de la mode comme aux injonctions des arbitres du bon goût. Manuel Bienvenu l’a développée au contact d’un large instrumentarium (guitares, piano, basse, orgues, trompette, percussions…), dont il explore les palettes de couleurs et de vibrations. Il l’a renforcée par la découverte de l’enregistrement multipistes, formidable machine à bâtir des édifices sonores chimériques. Il l’a prolongée dans l’étude à la fois sourcilleuse et contemplative des ressources de l’harmonie et des combinaisons de timbres, mais aussi dans l’attention portée au son, matière sensible transformable à l’infini.

Le Français ne cumule pas seulement avec bonheur les casquettes de compositeur, multi-instrumentiste, chanteur, arrangeur, ingénieur du son ou producteur ; il sait aussi se faire poète, algébriste, plasticien, architecte, explorateur… Rassembler harmonieusement autant de disciplines dans le cadre d’une seule vie, c’est se donner la possibilité d’embrasser tous les objets d’un désir sans bornes, sans ignorer pour autant les vertus de la réflexion, du lent et endurant travail de la pensée."